La petite chose

C'est une petite chose, une toute petite chose. Maléable, déplaçable, utilisable, manipulable à l'infini. Elle est ballotée dans toutes les mains, jetée d'une main à l'autre. On la prend, on joue avec, on la façonne, et on la passe à quelqu'un d'autre.

La petite chose écoute. La petite chose se laisse faire, se laisse cajoler. Ils en font ce qu'ils veulent, ça leur est facile, elle est si légère. Elle est molle et sans réaction, c'est un jouet. Elle ne proteste jamais, ne résiste jamais. On dirait qu'elle n'a pas de libre-pensée...

Elle est très docile. Elle sait faire le dos rond quand il y a de l'orage, et ronronner quand on lui demande. C'est une petite chose en cahoutchouc : quand on la maltraite, elle n' a pas mal et oublie. C'est une éponge : elle absorbe ce qu'on veut qu'elle absorbe, et ne le relâche que sous pression.

On n'estime pas beaucoup la petite chose. Elle est juste une petite chose un peu idiote, dont il faut s'occuper tout le temps.

Mais la petite chose, sous ses dehors faciles, est en train de changer. Elle comprend qu'on ne la traite pas comme il faut. Elle comprend qu'elle se fait trop aimable. Elle comprend qu'on fait ce qu'on veut d'elle et que ça ne lui plaît pas. Elle comprend qu'elle a mal. Elle comprend qu'elle doit réagir.

Maintenant la petite chose va se révolter et vivre sa vie.